Une vie de perdue ? Tant pis, j'en ai encore 3 [CHATEAU OBSCUR]

Une adresse, inscrite sur une feuille. La bonne rue? Oui. Le bon bâtiment? Elle ne savait pas si elle pouvait faire confiance à ce contributeur. Après tout, si elle avait décidé de se déplacer en ville, c’était avant tout pour ériger sa propre carte des lieux. Découvrir des passages secrets, des planques idéales, tout pouvait lui être utile. La librairie indiquée sur la feuille était l'une des rares qui n’étaient pas entièrement censurées, enfin, c’était ce qu'on lui avait dit. Elle ouvrit la porte et s'y glissa. C’était énorme et luxueux.

Oups, c'est pas la bonne.

D'ailleurs, un raffut y régnait. Les gens se bousculaient, l'ambiance était tendue. La Mysdibule se glissa sur un mur, se cachant derrière un immense meuble. Mayux glissa ses pattes au sol, essayant de ne pas se faire remarquer. Elle vit bien vite une porte, qu'elle ouvrit non sans dépêche avant de s'y infiltrer. Les bruits de pas s'intensifiaient, tout comme l'angoisse de la jeune stratège. La salle dans laquelle elle était était énorme, bien plus grande que sa tente de fortune - tout de même grande pour une tente de résistante, en plus du fait qu'elle y vivait seule. Le luxe comblait apparemment cette famille. Tout était haut de gamme, Mayux croyait à la maison d'un roi. Cela lui faisait oublier les centaines de civils pauvres comme pas possible, y compris elle-même. Les étoiles au yeux, ses rêves s’achevèrent bien rapidement lorsque la porte se fracassa. De nombreux gardes entraient, avec à leur tête un imposant Ponchien. Mayux se cacha dans un coin, espérant du plus profond de son cœur de ne pas se faire prendre. La peur de se faire exécuter si on la découvrait... Mais , au fond, elle oubliait tout simplement qu'elle avait de quoi se défendre.

Encore un tel boucan après son retour, les gouvernantes s'affolaient encore malgré qu'il se présentait devant eu. Ce n'était à ne rien n'y comprendre, qu'est qu'y pouvait être plus important que le retour du fils héritier ? Il décida d'aller voir. Un des chien de garde grognait à pleine dent, il devait avoir flairé quelque chose.

"Qu'est qu'y se passe là dedans ??"

"Oh monsieur, ravi de vous retrouver. Un intrus a été repéré et notre chien semble avoir..."

Le noble serpent lui coupa la parole, voyant le chien se diriger vers une armoire. C'était surement là qu'il trouverait la source de ce remue ménage.

"Je veux pas le savoir ! Allez plutôt prévenir ma mère que je suis rentrée. Elle doit brûler d'envie de me parler, je l'attendrais dans un salon du rez-de-chaussé. Allez hop hop hop. Ma mère aimerait pas savoir que vous trainiez."

Les trois gardes s'exécutèrent, s'encombrant d'une montagne d'excuse à son égard, tirant le Ponchien pour qu'il ne dérange plus dans ses aboiement toujours plus intense. Après un bref soupire de satisfaction, il se rendit à l'armoire indiqué. L'ouvrant subitement.

"C'est bon, ils sont parti. Monsieur ? Mademoiselle ?"

Il se recula légèrement, par politesse pour laisser l'individu sortir, espérant qu'il ou elle ne prenne pas peur en le voyant. Mais c'était loin d'être fini, il lui fallait cacher ce fugitif pour chercher à comprendre qui s'était ce qu'il faisait là. L'interroger personnellement dira-t'on.

"Suivez moi seulement dans mes quartiers, nous y seront plus à l'aise."

Il s'avança à la porte, l'ouvrant prestement pour laisser passer le passager clandestin. Il se demandait s'il allait voir une âme toute fragile, un rebelle fort, une gracieuse (ou disgracieuse) dame ou un mastodonte. La surprise allait surement être total.

Mayux respirait doucement, et mal. Elle ne sentait qu'un peu d'air passer par ses poumons pour en ressortir presque instantanément. La peur envahissait son corps, et rien ne s'arrangeait. Elle sentait au fond d’elle-même qu'un des trois chiens de garde de la maison s’approchait d'elle, reniflant le sol à sa recherche. La résistante se recula dans sa cachette, essayant de se faire invisible dans l'obscurité qui régnait.

Jusqu'a ce moment. Un habitant de la maison envoya bouler son serviteur. Celui-ci partit sans broncher, ce qui impressionna mentalement la Mysdibule, n'ayant jamais eu quelqu'un à son écoute. Elle entendit tout le monde partir et vit la porte s'ouvrir, voyant un serpent vert. Elle savait que c’était un Vipélierre, mais il ne semblait pas si jeune que ça. Environ de son age? Elle ne savait pas vraiment.

Mayux se glissa hors de sa cachette, se dirigeant vers l’entrée. La porte s'ouvrit devant elle. La fille à l’énorme mâchoire ne savait pas si elle allait lui parler correctement, mais y alla tout de même.

-   Merci, monsieur.

Elle passa l'embrasure de la porte, heureuse de ne pas s’être faite démonter par cette bande de clébards surexcités. La dame regarda son "hôte", d'un regard un peu hésitant.

-   Je vous remercie de m'avoir sauvée de leurs griffes.

Un faible sourire s'afficha sur la bouche de Mayux, ne sachant pas trop comment réagir. Il allait surement la jeter dehors ou pire, l'emmener à la police. Elle se décida à avoir l'air plus confiante que cela et laissa sa lueur habituelle illuminer son visage. La justice, c’était pour cette raison qu'elle était ici: C’était pourquoi elle se battait contre les plus grands ennemis qu'il était possible de combattre.

Il s'attendait à trouver beaucoup de chose dans un placard comme celui-ci, un amant de sa mère, un cadavre... Eh bien c'était une ravissante jeune demoiselle qui se présentait à lui. Wow. Tellement de pensée qu'y lui traversait l'esprit, encore plus s'il n'était pas aussi fatigué. La veille avait été longue pour lui donc il préférait de loin se reposer l'esprit. C'était un mélange d'un coup de foudre d'adolescence et une crise hormonale qui le traversait. Il devait se ressaisir et ne pas paraître trop flagrant de ses attentions.

Il referma alors derrière elle et lui indiqua de le suivre. Il esquissa un sourire rassurant au remerciement de la demoiselle.

"Ce n’est rien. Vous pouvez vous considérer comme une invitée auprès de moi. À moins que vous comptiez voler un tableau ?"

C’était un petit rire maladroit qu’il dégagea. Ce n’était pas drôle et il le savait. Il essayait de détendre l’atmosphère. Après quelques minutes de marche dans ce massif dédale qu’était sa résidence, ils arrivèrent à une porte, il inspecta le gong de la porte, manifestement tâché d’encre. Ouvrant la porte, il constata bien que sa plume était cassée, attaché au mur par quelques clous le tout derrière un petit meuble dans lequel il avait loisir de poser des gants non loin de ses quelques vestes sur le porte manteau à côté. Il prit soin de nettoyer la tâche d’encre de la liane pour ne laisser aucune preuve. C’était une simple sécurité que le jeune noble avait mis en place. En dissimulant la pointe de sa plume près de la fermeture de porte, inévitablement elle se casserait, lui signalant si quelqu’un serait entré en son absence. Il était fier de cette petite manœuvre que lui avait enseigné un des chevaliers de Primera alors qu’il était en plein jeu de chasse cache avec son père. Il avait eu idée de se cacher dans la chambre d’un des confrères du chevalier dragon. Lui cependant se servait d’une pointe en bois très frétille. Peu rancunier, malgré l’avoir remis à son père, perdant ainsi le jeu, le chevalier lui expliqua comment il avait compris que quelqu’un était entré. Dejan lui avait dût faire ça par les moyens du bord mais cela fonctionnait bien. De vue comme ça, rien ne semblait avoir changé de place. Mieux, des affaires désordonnées semblaient avoir été remis en place. Le bureau à gauche de la fenêtre semblait avoir été rangé, le lit refait, à première vue seules les gouvernantes étaient passées pour faire le ménage. Mais il lui valait mieux vérifier quand même.

Avant toute chose, il fit entrer la fille à la fausse mâchoire dans sa chambre. Un très grand espace. Pourtant assez vide. Un lit à l’autre bout de la pièce, au centre, un très large lit d’ailleurs. En prévision de ses évolutions. C’était suffisamment grand pour soutenir le poids et la taille d’un Majaspic adulte. Sa mère en possédait un modèle similaire. Un rideau était également dressé pour entourer le lit. Surement pour lui laisser son intimité ou pour se couvrir des premiers rayons du soleil malgré les rideaux à sa fenêtre. Sur la gauche il y avait divers armoires et meubles. Des présentoirs sur lequel étaient posés divers objets de valeur mais surtout des souvenirs d’enfances. Une épée et un bouclier en bois, une peluche sale et trouée, d’autres bricolages ternis par le temps. À l’autre bout de la pièce un très vaste bureau. Manuscrit, documents variés et des dessins y étaient dispersés. De simples croquis, une sorte de journal sur un manuscrit ou encore les plans d’une armure ou de divers armes pouvaient s’y trouver. Au fond, non loin du lit se trouvait une arrière pièce servant d’armoire pour les costumes du noble. Habits de soirée, tenue de soirée, des vêtements qu’il visait à offrir à une bien aimée (oui Dejan était prévoyant de ce côté). L’espace était suffisamment grand pour s’y balader quand on faisait sa taille et bien assez sombre pour s’y cacher.

Il alla s’affaler sur son lit, la tête fixant un instant le plafond, profitant du confort que lui apportait son divan. La nuit avait été longue et surtout inconfortable. Retrouver l’aisance de ses quartiers était quand même un vrai plaisir. Il releva la tête, se redressant sur le lit, l’invitant à grimper à son tour dessus. Dans le même temps il s’interrogea. Une simple question pour engager la conversation.

"On dit qu’une chambre, un lieu de travail ou tout autre endroit privé que ce soit pour des occupations ou des loisirs est révélateur de son propriétaire. Qu’est que vous pourriez dire de moi selon ce que vous voyez ?"

Question intéressante mais qu’y relevait d’une colle pour Dejan lui-même. Il espérait que ses activités ou ses secrets ne paraissent pas trop évident au premier venu. Que ce soit des plaques faussés sous son lit ou des endroits planqués dans ses meubles où il y cachait un tout autre aspect de sa vie. Si son invitée ne relevait rien de choquant, c’est qu’il avait bien mené ses bricoles. Il soupira un instant, réfléchissant encore à ses mots.

"Eh bien… J’imagine que mère ne vous a pas convoqué ici au vue de l’accueil des gardes. Qu’êtes-vous venu faire si près du château noir ? Et d'ailleurs, comment puis-je vous appeler ?"

C’est vrai que ce qu’on pouvait appeler des gueux, des souillons, des pouilleux ou des malpropres étaient assez rare à voir dans derrières les remparts du château. Généralement c’était des esclaves ou des servants qu’y cause de leur condition étaient bien obligés d’être là. Il était déjà particulièrement difficile d’avoir une permission. La vipère doutait qu’elle soit là en toute légalité comme elle se cachait il y a moins de 20 minutes. Sa réponse allait être cruciale pour savoir s’il la gardait ou allait devoir la congédier. Sa réponse allait quand même devoir arriver vite. Sa mère, la redoutée diablesse basilic, Hasfa, allait surement lui rendre une visite impromptue, sachant son retour.

La dame hésita un peu. Pourquoi ce jeune homme, aussi charmant et poli soit-il aurait l'intention de l'aider? Après tout, elle s'infiltrait sans autorisation dans sa "modeste" demeure. Même si elle le souhaitait, le temps ne lui permettait point de réfléchir à ses options actuelles. C’était la cours contre la montre, une seconde de trop et c'en était fini de sa carcasse. Mayux, suivant le reptile, tourna en même temps que lui dans une grande chambre aux murs massifs et au mobilier, comment dire, plus qu'impressionnant aux yeux d'une personne qui a toujours vécu dans la misère. Elle n'osa ni s'assoir si parler, tout simplement par politesse. Lorsqu'il l'invita à grimper sur son lit, la Mysdibule refusa d'un petit geste de main, étant trop occupée à analyser ce qui se cachait dans les recoins les plus sombres de la salle. Sa même restait plutôt stable, mais on pouvait voir directement que son regard était fuyant. En quelques minutes, avec elle, on était sur qu'elle aurait déjà vu tout le terrain - on ne sait pas ce qu'on risque, en ne connaissant pas l'endroit dans lequel un imprévu arrive.

-   On dit qu’une chambre, un lieu de travail ou tout autre endroit privé que ce soit pour des occupations ou des loisirs est révélateur de son propriétaire. Qu’est que vous pourriez dire de moi selon ce que vous voyez ?

La trompeuse fit un petit bond. Sa concentration avait quitté le bon endroit, dirait-on. Un raclement de gorge se fit entendre, passant par-dessus les autres petits bruits environnant qui peuplaient cet endroit aussi magistral qu’isolé du monde extérieur.

-   Je ne veux pas porter atteinte à votre vie privée, mais j'ai aperçu quelques endroits mal dissimulés. Par exemple, sous votre lit, c'est une cachette évidente. Les tiroirs aussi. Je dis cela parce que j'ai vu certaines choses... Que je pense que personne ne devrait apercevoir. Je m'y connais bien en ces choses, seulement voir le contenu de votre chambre me permet d'affirmer que vous n’êtes pas quelqu'un de mauvais.

Il devait savoir de quoi elle parlait, n'est-ce pas? Cela était pourtant l’évidence même, personne ne pouvait affirmer le contraire.

-   Eh bien… J’imagine que mère ne vous a pas convoqué ici au vue de l’accueil des gardes. Qu’êtes-vous venu faire si près du château noir ? Et d'ailleurs, comment puis-je vous appeler ?

Mentir... Cela lui paraissait si facile. Ce ne lui serait pas utile, être anonyme ne lui servait pas. Peu de gens avaient déjà entendu le nom de Mayux, et non son surnom ou son titre. Titre d'ailleurs un peu étrange, surement donné par des sensibles qui reconnaissent la moindre parcelle d'intelligence comme une bénédiction.

-   Mon prénom est Mayux. Je suis venue ici pour la simple raison qu'on m'a donné la mauvaise adresse, je recherchais une librairie qui n'est surement pas très loin d'ici. Je suis formellement désolée d’être venue interrompre votre soirée, monsieur.

Sur ces mots, la femme s'inclina. Ses mots ne pouvaient être plus honnête. Elle espérait de tout son cœur qu'il reconnaitrait ses pensées comme étant vraies. Elle ne supportait plus les échecs, cette occasion pouvait lui permettre de faire une bonne rencontre, ou, du moins, d'aider quelqu'un dans le besoin.