"Qui est le maître ?"

Dans un château à la réputation si sombre que même les plus valeureux tremblent en entendant son nom, une troupe arrive à grand renfort de cris et de supplications. C'est la venue régulière du marchand d'esclave, qui vient effectuer son horrible trafic entre les murs noires de la vieille cité Renégate.

Aujourd'hui, son chargement se compose d'un Arbok vieux comme le monde, d'une petite Chlorobule toute tremblante de peur, d'un Machopeur féroce et bruyant, ainsi que d'un couple bien caché sous une couverture puante et sale. C'est le clou du spectacle et le Branette ne veut pas que des yeux curieux puissent voir son trésor avant l'heure.

Il faut quelques minutes pour que ses assistants, trois Polichombrs, installent une grande scène dans le hall froid du bâtiment. La mise en scène est un grand artifice du marchand, qui adore faire son petit show. Il installe la marchandise dans un coin, dans une cage de bois. On entend la rumeur de la foule de Renégats qui se pressent devant le promontoire avec hâte. Du sang neuf, voilà ce qu'ils cherchent.

Dans un geste ridiculement théâtrale, le Branette entre sur scène en écartant les rideaux de son théâtre improvisé. Il projette un instant son regard sur le monde qui l'entoure, jugeant peut-être déjà les futurs acheteurs. Puis il prend la parole, les Polichombrs derrière lui.

« Messieurs, Dames. Malfrats et sanguinaires en tout genre. Je suis votre humble serviteur pour la soirée ! Moi, le Grand Dark, je vais vous proposer aujourd'hui une cargaison des plus intéressantes ma foi, avec une première dans toute ma carrière ! »

Il se tait un instant, laissant ses paroles faire leur petit effet. Certains s'impatientent déjà et tous réclament les esclaves. S'inclinant théâtralement, Dark fait signe aux Polichombrs. Ses assistants vont alors chercher la première marchandise. Ils poussent rudement le vieil Arbok au milieu de la scène. Son regard est vide et fatigué. Son corps tremble devant l'effort qu'il a dû fournir pour bouger.

« On commence avec ce spécimen de la famille des Arboks. Il est vieux certes mais, Messieurs, Dames, son expérience est grande et sa sagesse sans limite ! Si le travail manuel n'est pas son fort, il manie les lettres et les chiffres à la perfection. Plus qu'un serviteur intellect, il pourra également vous raconter milles histoires incroyable ! Il ne demande que peu d'attention, et ses crochets lui ont été arrachées pour plus de sécurité. Pour cet article, nous commençons avec une mise de 5 000 ! »

Maniant l'art des mots avec soin, le Branette réussit à faire enflammer la foule pour ce pauvre être tremblant. Il ne faut pas longtemps pour que l'Arbok soit acheté pour quelques pièces de plus. Souriant sournoisement, Dark continue ses affaires avec joie. La suivante est la petite plante.

« Pour la suite je vous propose cette merveille ! Jeune et en bonne santé, cette plante ne demande qu'un peu d'eau et de lumière. Elle fera une parfaite esclave et maniable à souhait ! Elle peut tout faire si on le lui apprend. La cuisine, la vaisselle, le ménage et autres petites gâteries, si vous voyez ce que je veux dire ! Allons, allons. On commence avec une mise en jeu de 10 000 ! »

L'enchère dure un peu plus longtemps mais la petite fut vendue elle aussi. Tout comme le Machopeur après elle. Il faut dire que le marchand à la langue bien pendue et qu'il arrive facilement à vendre ses produits. Il s'exprime avec aisance. Après tout, ce n'est pas la première fois qu'il fait une telle chose, et ce ne sera pas la dernière. Du moins tant qu'aucun client ne viendra en douce, pour garder esclave et argent ... C'est pour ça qu'il a les Polichombr de toute manière.

Enfin, plus qu'une vente avant qu'il ne puisse partir vivre un moment tranquille avec tout l'argent qu'il aura récupéré. Et le gredin sait bien que pour son dernier lot, il va toucher gros. Même très gros. Son visage se fait encore plus sombre. Il est si heureux de son travail ! Il retourne sur scène accompagné par ses trois assistants qui déposent un grand sac sur le bois.

« Messieurs, Dames. Nous arrivons à la dernière marchandise, mais non la moindre. Comme je vous l'ai annoncé auparavant, c'est du jamais vu ! Mais je préfère vous laissez voir par vous-même. Voici mon dernier lot du jour ! »

A ces mots, les Polichombrs découvrent la soi disant merveille du marchand. La foule retient son souffle quand ils découvrent avec stupeur les créatures. Deux magnifiques rapaces, au plumage flamboyant, aux serres et au bec tranchant. Deux Flambusards chromatiques.

L'un est petit et chétif, recroquevillé contre l'autre qui est beaucoup plus grand et imposant. D'ailleurs pour lui, ses ailes sont attachées pour éviter qu'il ne s'envole. Son bec est retenu par des lianes pour l'empêcher de parler ou de s'en servir comme arme. Le plus petit n'a rien de tout ça, ce qui laisse supposer le caractère de l'un et l'autre.

« Non, vous ne rêvez pas. Devant vous, ébahit, voici un couple de frère et soeur. Deux oiseaux chromatiques ! Plus rare que rare mes amis ! La petite est chétive et fragile, mais tellement gracieuse et belle que ça compense tout. Le mâle est une forte tête, mais il est costaud et fort. Faites vos jeux mes amis, la mise est libre !

-15 000 pour la femelle !

-20 000 ! »

Et ainsi de suite. Les Renégats augmentent le prix pour la Flambusard. Elle semble bien faire effet sur la foule. Dark n'en attendait pas tant. Il savait bien qu'il aurait dû mal à vendre le mâle, trop têtu et dangereux. Mais il espère quand même. Et il regarde avec délice les cris et les mouvements de la foule.

Si on s'intéresse plus à nos deux oiseaux, la jeune reste tout contre son frère, essayant de se cacher et de cacher ses larmes. Quand à lui, il fixe méchamment la foule, les défiants du regard d'oser les acheter ou le séparer de sa soeur. Il commence même à se débattre, voyant une chance de s'échapper comme tout le monde est occupé à crier pour acheter sa soeur.

En essayant d'être le plus discret possible, il parvient grâce à ses serres, et non sans mal, à fragiliser les lianes qui bloquent son bec. Il force alors, et parvient à se libérer ! Il pousse alors un cri royal, avant de se redresser et de jeter un regard de mort sur la foule. Le silence se fait à ses paroles.

« Si vous osez touché à ma soeur bande de salopards, je jure devant Arceus de vous faire la peau, et ce, jusqu'au dernier ! »

Le silence est de mort suite à la déclaration du jeune oiseau. Du coin de l'oeil, le rapace peut voir le Branette qui se ronge les manches. De toute évidence, l'intervention du chromatique l'a énervé et effrayé à la fois. Si la marchandise commence à menacer les acheteurs, le spectre peut dire adieu à son commerce ! Dans son coin, il marmonne sa vengeance.

Altaïr lui, reporte son attention sur sa soeur. Elle vient de lui demander, de sa petite voix terrifiée, de se calmer avant qu'il n'est des ennuis. Son murmure ne fait qu'accroitre la colère du jeune Flambusard. Sa jumelle est morte de peur. Elle est humiliée par la situation, tout autant que lui-même. Son regard est de braise quand il tourne la tête à nouveau vers la foule.

Parmi les Renégats, une voix s'est élevée. Tout de suite, cela ne plait guére au pokémon Feu. Au fond de lui, il croit connaitre les émotions et les promesses cachées derrière un ton faussement civilisé. D'ailleurs, ses paroles sont trop sûres d'elles pour le Flambusard. Il commence à se redresser, pour faire entendre sa façon de penser de tout ceci.

Comment peut-on oser proposer une somme pareille pour juste toucher les plumes d'une buse ? Alors que pendant des jours, des semaines, Altaïr s'est battu, s'est vendu pour gagner dix fois moins et faire vivre sa douce soeur. Et puis, elle n'est pas une marchandise, qu'en dise le marchand ! Que diable, elle est tout de même l'héritière d'un Royaume qui fut autrefois bien plus puissant, et surtout bien plus noble que ces pauvres pokémons qui méritent tous autant la mort.

Mais à peine qu'il ouvre le bec, que Dark réagit en comprenant la situation. D'un claquement, il ordonne à ses assistants de maintenir le volatil récalcitrant. A nouveau, on lui cloue le bec afin de le faire taire. Sans ménagement, le pauvre Flambusard se retrouve au sol, maintenue par ses ailes délicates. Si il bouge, qui sait ce qu'il peut leur arriver ?

Alors il est condamné à observer cet affreux Mangriff, celui qui vient de parler, rôder autour de sa tendre et chère Eleonore, sa moitié. Il doit l'écouter faire son analyse. Il doit le regarder porter la patte sur le magnifique plumage de la jeune chromatique. Il se débat, quand bien même ce qui peut arriver à ses ailes. Pour une fois, la liberté passe après l'honneur et l'intégrité de sa soeur !

Dark quant à lui, tourne autour du possible acheteur. Si, malgré la menace de cet imbécile d'oiseau, il parvient à faire affaire avec un si haut-gradé, son avenir est assuré. Le marchand n'aime pas spécialement les Renégats, il n'aime personne d'autre que lui. Mais il sait tout de même qu'être dans les petits papiers du grand Bloody, Mercenaire de renom même parmi les fripouilles, le futur ne peut que lui être souriant. Quand on sait s'entourer, rien ne peut arriver comme on dit.

Il empoche l'argent de Maître, un grand rictus barrant son visage. La femelle est achetée maintenant, ne reste que le mâle. Et c'est avec une joie immense qu'il le vend pour le même prix, ne cherchant même pas à comprendre les raisons derrières l'acte. De lui-même, il va chercher et offre en remerciement, deux laisses pour les esclaves. Les Polichombrs s'occupent d'attacher la femelle, tandis qu'il se charge lui-même de bien serrer celle du mâle.

Le rapace de feu ne peut que regarder et bouillir de rage devant la scène. Tout se passe comme si il n'était que spectateur, pourtant c'est bien lui qu'on vient d'acheter comme une vulgaire baie, de même que sa soeur. C'est d'ailleurs, ce qui énerve le plus Altaïr. Qu'on fasse ce qu'on veut de lui, mais personne ne touche à Eleonore ! Pas même ce Renégat qui vient de payer pour eux. Comme si l'argent qu'il dépense pouvait suffire à faire d'eux ses choses !

Pas le temps de réagir cependant, que le mâle se penche vers lui et lui chuchote de douces menaces. Le corps tremblant de haine, Altaïr est réduit au silence avant même d'avoir eu l'occasion d'ouvrir le bec. Ce qui ne l'empêche pas de fixer méchamment le félin. Si ses yeux lançaient des éclairs, le Mangriff serait foudroyé sur place.

En attendant, la salle se vide, maintenant qu'il n'y a plus d'offre à faire. Les Polichombrs sont déjà en train de tout ranger. Quant à Dark, il se dirige vers Bloody, toujours avec son rictus.

« Ravi de faire affaire avec vous, Seigneur. Si vous rencontrez des soucis avec le mâle, n'hésitez pas à le frapper un peu, il se calmera surement. »

Altaïr ne peut s'empêcher de penser que le spectre prend bien des risques à oser donner des ordres, car son ton y ressemble fortement, à quelqu'un qui a l'air de faire peur même aux fripouilles.

Altaïr ne peut que regarder la salle se vidée des Renégats. Maintenant qu'il n'y a plus de marchandise, il n'y a rien à resté ici. Quelques curieux discutent non loin, en jetant de temps à autre un regard vers la scène. Peut-être veulent-ils savoir ce que le Mangriff va faire de sa nouvelle acquisition ? Si le rapace avait été libre, nul doute qu'il en aurait cracher de dégout. Ils sont affâmes, tous autant qu'ils sont pour éprouver du plaisir dans le malheur des autres !

Qu'Arceus les protége car si jamais ils se retrouvent sur son chemin, pas de doute que l'oiseau leur volera dans les plumes ! Il le montrera, un jour, ce qu'il en coute de se moquer d'un prince ailé comme lui. Ses flammes brûleront leur corps avec intensité alors que ses serres creuseront dans leur chaire jusqu'à ce que mort s'en suive ! Altaïr n'est pas forcément un pokémon violent, mais lorsqu'on le provoque, il ne répond plus de rien. Surtout si cela conserne sa jeune soeur.

Mais l'attention de l'oiseau chromatique retourne bien vite sur le Mangriff. Ce salaud ! Il a l'air tellement sûr de lui, tellement imbu de lui-même qu'Altaïr ne souhaite qu'une seule chose ! Lui planter ses serres dans le dos ! Non mais, pour qui il se prend, ce furet de bas étage ? Comme si un individu comme lui pouvait ne serait-ce que prétendre à commander un héritier comme Altaïr ? L'égo de notre ami à plume vient d'en prendre un sacré coup pour sûr.

Le pire de tout, c'est que ce Bloody semble persuader que le Flambusard va l'écouter. Comme si une telle chose pouvait être possible ?! Jamais il ne se laissera faire ! L'animal s'en mordera bientôt les griffes. Altaïr se le promet. Ce qui a le don de mettre notre ami en colére, c'est la supposition du furet. Comme si la douce et pure Eleonore allait se battre pour sa gueule ! Plutôt mourir que de voir ce produire un jour ce malheur. Le mâle se jure de tout faire pour la protéger, fusse-t-il qu'il doit combattre à sa place.

Le groupe se met en route soudainement, les deux oiseaux tirés par la laisse. La colére gronde à l'intérieur du frère. Sa pauvre soeur est obligée de subir se traitement honteux et il ne peut rien faire pour le moment ! De plus, Bloody prend un malin plaisir à s'afficher avec ses deux derniers achats. Altaïr se demande même si le renégat ne prend pas tout son temps exprès pour les humilier encore plus. Soudain, le faucon observe un relâchement de sa laisse. Une chance de s'échapper ?

Le chromatique doit cependant rapidement renoncer à cette idée. Car si la prise sur sa laisse diminue, celle sur la laisse de sa soeur augmente. Quel être abominable que ce Bloody ! Qu'il soit maudit jusqu'à la fin de sa vie pour utiliser de telles manières. Altaïr a très bien compris le message derrière l'acte. Il se contente de siffler méchamment quand le furet le lui dit clairement.

La "visite" continue jusque dans des cachots. La nouvelle demeure des oiseaux. Altaïr se retient de répondre ou de tenter une attaque, il sait bien que sa soeur en subira les conséquences. Alors il se tait et il vient certainement d'apprendre la première leçon. Si il se laisse faire, sa soeur n'aura rien. Qu'il se perd dans les méandres des entrainements, dans la douleur, dans la honte et qu'il devient l'un des leurs. Au moins, Eleonore sera en sécurité si lui se laisse détruire.